Comté

Le Comté naît dans un écrin de verdure, là où paissent les Montbéliardes, plateaux du Haut Jura entourés de forêts. Il grandit et s'affine au milieu de cet univers naturel. Peut-être est-ce pour cela qu'il aime de vert se parer pour voyager de chez lui jusqu'à l'étranger.

SE METTRE AU VERT
Expression qui nous vient du 16ème siècle, elle signifiait tout simplement quitter la ville pour rejoindre le vert reposant de la campagne. L'expression a pris toutefois un peu plus d'importance au moment où la bourgeoisie s'éprend de champs et de prairies, y construisant pavillons et demeures secondaires. Même les maisons closes, à l'image de leurs clients, envoyaient au vert ses pensionnaires pour un repos bien mérité. Plus tard, la pègre s'en est inspirée, le truand recherché se mettait au vert le temps de se faire oublier (La gouape était certainement venue lui réclamer du pognon pour aller se mettre au vert - Léo Malet). Mais outre aller souffler sur le pissenlit et se rouler dans l'herbe, l'expression signifie aussi s'éloigner de la vie, du stress quotidien, bref, prendre du recul. Et cela, autant physiquement que moralement.

ET LE COMTE DANS TOUT ÇA ?
Le Comté est le lien qui chez soi ou ailleurs nous rapproche en une bouchée d'un environnement paisible et vert. On n'y pense certes pas d'emblée. Mais songez tout d'abord au plaisir gustatif, c'est le premier pas vers la quiétude florale, fruitée, torréfié, épicé, il nous emmène rapidement dans un autre monde, nous fait prendre du recul, loin de l'agitation de notre société. Une deuxième bouchée et les images se créent. Comme la première nous a mis en condition, nous voilà plus attentif. Ce morceau de Comté, cette fois on le regarde, on le touche avec les doigts, puis la langue, pour en estimer le grain, la douceur, le relief. Le nez en profite pour le humer et faire saliver la bouche qui n'attend qu'une seule chose, le croquer, mais sans l'avaler... non, le dissoudre lentement pour en faire jouir longuement les papilles.
Y trouver cette saveur qu'on aime tant, ce parfum, cette fraîcheur, ce goût d'ailleurs. Tout à fait dissout.
Nous voilà à la plénitude de la dégustation, polarisé sur ce concentré d'arômes. Hors du temps juste un instant, intense. Rêve éveillé, voire méditatif, nous nous sommes retrouvés loin d'ici, transportés dans un pâturage ou en forêt. En montagne ou au bord d'un lac, peu importe, ce qui compte c'est d'avoir, par le plaisir, échappé une fraction de temps à notre environnement.

AU VERT
Le Comté aime se présenter en verts atours, autant liquides que solides. Histoire de nous rappeler que sur les plateaux où il naît, l'apaisante couleur domine le paysage.
Paysage naturel, large, au sein duquel chacun prend plaisir à s'y balader.
Quelques boissons aux reflets émeraudes pour nous en rappeler :
thé vert, jus de légumes, de fruits, menthe à l'eau.

Comté de Bonnétage, 30 mois (mars 2015), affineur Seignemartin

Couleur ivoire nacrée aux nombreux cristaux de tyrosine. Odeur qui nous rappelle l'iode mêlé d'algues sèches et de plantes de montagnes en tisane. De la vanille, du cumin et de la camomille ajoutent leur nuance à la complexité. Texture souple avec le croquant vif des concentrations de tyrosine Goût agréablement doux et frais aux délicates notes de citron confit nappé de miel de thym. Suivent les gelées de fruits jaunes, abricot, mirabelle et mangue, qui apportent de l'onctuosité. Une saveur saline vient souligner fleurs et fruits, puis nous entraîne vers de nouvelles suavités, celles des dattes et des figues qui viennent en fin de bouche affoler nos papilles.

La fraîcheur nous emporte, on a presque froid, le grésil illumine de ses points blancs cette atmosphère de fin d'hiver. Les grains givrés craquent sous nos pas. Une porte s'ouvre, sa chaleur nous accueille, nous fait asseoir, nous sert à boire, un lait à la vanille bien épicé pour nous réchauffer. Tout se détend, dehors la grêle fond comme le Comté sur notre langue. On se met à rêver au bord d'une rivière dont l'écume un rien salée nous éclabousse, va-t-il nous y emmener.

Comté des Fins, 28 mois (juillet 2015), affineur Rivoire Jacquemin

Couleur ivoire patinée étoilée de nombreux cristaux de tyrosine. Odeur de chocolat noir et de moka, un duo qui s'entend à merveille pour nous donner l'illusion d'un dessert sucré amer. Texture cassante tout en gardant encore de l'onctuosité. Goût qui, à la première bouchée, apparaît austère. Le relief légèrement granuleux renforce l'impression de pierrailles. Il est tactile avant d'être gustatif. Mais poireau, rhubarbe et angélique poussent entre les cailloux et nous charment. Le premier par la note végétale de son bouillon, la deuxième par sa fraîcheur et la troisième par sa douceur. Une amertume de gentiane, décidément ce Comté s'ancre en terre, vient souligner d'un fin liseré les arômes.

Nous voilà en cellule, celle d'un monastère cistercien, tout n'est que pierre, droit, anguleux, austère. Mais une lumière nous attire, celle du cloître où poussent plantes et verdure. Là, l'hiver fait place à l'été, au réconfort et à la douceur, mêlés à la fraîcheur de l'ombre qui nous entoure. Le Comté nous emmène où désire notre imagination, le temps d'une bouchée.

Comté de Grand Combe des Bois, 17 mois (juin 2016), affineur Marcel Petite

Couleur jaune paille à la pâte constellée de cristaux de tyrosine. Odeur de lait frais et de lait battu, de beurre de ferme parfumé de vanille et de chocolat blanc, teinté d'une note de bouillon au céleri. Texture à la fois ferme et onctueuse, aux concentrations de tyrosine qui croquent sous la dent. Goût de sous-bois, de confiture de lait et de cuir qui nous fait songer aux morilles fraîches cueillies au printemps, d'épices douces rafraîchies d'une goutte de citron jaune.

Le sentir, le laisser se dissoudre en bouche nous fait plonger au milieu des bois vers la fin de  l'hiver. Là, nous regardons nos pas courir sur un sentier couvert de feuilles mortes. On respire la forêt peuplée de morilles prêtes à être cueillies. Le bâton de chocolat blanc dans notre poche bat notre flan et nous fait envie, l'air frais nous donne faim. Comme l'odeur qui nous vient de la ferme au loin, effluve de soupe aux légumes où domine le céleri. Ce calme ressemble à de la volupté, enchantement qui ne dure que le temps d'un morceau de Comté.

Comté de Métabief, 15 mois (août 2016), affineur Fromagerie du Mont d'Or

Couleur jaune ivoire parsemée de quelques cristaux blancs de tyrosine. Odeur de lait bouilli au poivre blanc et cumin coiffé de sa crème aigrelette, nuancée de pistache et d'herbes coupées. Texture onctueuse qui garde toute son élasticité. Goût qui rappelle les céréales et les fruits secs, comme la noix, la noisette et l'orge, qui nous parlent de petit déjeuner. Puis viennent les amertumes délicates aux accents de gentiane et de réglisse dont la saveur subtile renforce la fraîcheur du Comté. Elles soulignent également son caractère grillé toasté aux allures de biscuit sablé à la saveur beurrée. En fin de bouche, le gâteau se frotte de lard fumé, le 4h est passé.

Impression fugace de pénétrer dans un champ avant la moisson du regain.
Herbes et fleurs se courbent au gré du vent. Le souffle frais nous rafraîchit.
Épis et pétales s'échappent et tombent dans le lait apporté pour un pique nique improbable sous la chaleur douce du soleil. Le futurfourrage nous fait comme un nid. Assis, l'odeur du foin se fait plus forte, plus intense, se mêle de fruits secs, embaume l'été. On y resterait l'éternité. Mais on vient d'avaler le Comté.

Comté Fruité Entremont, 10 mois (mars 2016), affineur Monts et Terroirs

Couleur jaune ivoire Odeur de lait battu, de velouté de champignon dePans à la crème, de foin frais tressé de fleurs aux senteurs de tisanes de simples texture souple. Goût de lait frais à la noisette, de crème légèrement vanillée teintée de gentiane et de sel de céleri, de châtaignes grillées nappées de confiture de lait.

En une bouchée, nous voilà à la fin de l'hiver un cornet de crème glacée à la main. Deux boules parfumées aux fleurs de montagnes, qui, mangées avec plaisir nous rappellent nos escapades d'été. Mais le bonheur s'amplifie avec l'odeur des marrons chauds vendus au coin de la rue. Contraste chaud et froid nous livrant la sensation buccale d'un parfait et délicat qui nous fait oublier comme une Madeleine de Proust le temps, moment fragile, instant fugace offert par un morceau de Comté trop vite au fond de la gorge disparu.

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