ITINÉRANCE
Christian Lange est né à Bruxelles en 1967.
Déjà, dans les années 50, son père travaillait en tant que laborantin dans un laboratoire photographique (Agfacolor Gevacolor).
Il y apprit notamment les techniques de la photo couleurs, qui commençait juste à se développer. Parallèlement, il mitraillait pour son plaisir avec un appareil professionnel (un Zeiss Ikon avec objectif Tessar 3,5 format 6x6 et un Makina Plaubel avec objectif Triotar 2,8 format 6x6) : de l’architecture, des paysages, des formes géométriques qui auraient pu passer inaperçues aux regards des autres.
Il transmet cette passion à son fils.
C’est ainsi qu’en 1990, à 23 ans, celui‐ci achète son premier appareil photo argentique.
Il l’utilise sans compter.
Huit ans plus tard, il ose le numérique, qui n’en est qu’à ses balbutiements.
Convaincu des performances et de la qualité rendue par cette technique, il l’a faite complètement sienne.
De 1996 à fin 1998, organisateur de voyages de presse pour des tours-opérateurs, il voyage principalement dans le bassin méditerranéen : Malte l’a marqué, tout comme l’Italie et la Turquie, sans oublier la Tunisie, l’Espagne ou encore le Portugal.
Il amorce sa découverte des couleurs : le rouge, le fuchsia, le violet sont les premières à l'inspirer.
Au terme de ces pérégrinations, il pose une première fois ses valises et c'est dans la mythique ville de Cannes qu'il s'installe.
Loin de la grisaille de son enfance, il s’étonne des façades ocre, jaunes, orangées, couleurs qui viennent compléter sa palette de prédilection.
Mais les observateurs remarquent déjà la présence quasi constante de trois couleurs « signatures » supplémentaires : noir, jaune et rouge.
Et il s'agit bien d'une signature, ou du moins d'une affirmation : celle de la « belgitude » de l'artiste.
Malgré ses itinérances, l'identité belge lui reste profondément ancrée au cœur et aux tripes.
Celle-ci est d'ailleurs reconnue dans le monde entier et nombreux sont les artistes belges, de toutes disciplines, à porter haut les couleurs du petit royaume.
Pour Christian Lange c'est donc devenu une griffe… Noire, jaune et rouge !
Il ne prononcera pas le mot « fierté » si vous en parlez avec lui, mais c'en est bien une, et totalement assumée.
Jusqu’à Saint-Barthélemy...
SAINT-BARTHÉLEMY
Il se souvient avec précision des boîtes métalliques colorées Banania des années 70.
L’envie de poursuivre sa route le narguant, il s’envole pour la Guadeloupe, où il retrouve les images que cette publicité avait générées inconsciemment dans son esprit.
Ensuite Saint-Barth s’ouvre à lui.
C’est là, sur cette quête d’enfance, qu’il pose son ancre au printemps 2005. « Je ne suis pas venu ici pour me perdre, mais pour me trouver », confie-t-il.
En 2005, la photographie n'est encore pour lui qu’une passion d’amateur.
Encouragé par ses proches qui lui voient un réel talent, il devient photographe professionnel.
Les premiers travaux qui lui sont confiés sont les couvertures, ainsi que les photos d’illustration intérieures de guides à Saint-Barthélemy.
Puis les choses s’enchaînent : des agences immobilières font appel à lui pour capturer l’image de villas, tout comme des hôtels ou des restaurants qui veulent immortaliser leurs soirées privées, etc.
À la recherche du meilleur visuel, il opte pour l’aérien afin de saisir les plus rares moments de la Saint-Barth Bucket.
Cette régate réunit une trentaine des plus beaux voiliers privés au monde.
« Je le fais pour mon plaisir immédiat et celui du moment où je partage mes clichés.
Je crois que cette idée m’est venue en souvenir d’un voyage de presse que j’ai organisé à bord du Star Clipper, un majestueux voilier, pour les cérémonies officielles d’ouverture de l’Exposition Universelle de Lisbonne en 1998 ».
On emmène son passé dans ses malles…
COUP D’ŒIL
Cet instinctif travaille au feeling.
Il avoue une prédilection pour le format carré : « je vois en carré », insiste-t-il.
Ce qui implique nécessairement une créativité plus élaborée dans la façon de capturer le temps et de le représenter.
Il passe donc par un processus qui lui est propre, de composition et de décomposition du graphisme.
« Les formats dits classiques peuvent cependant s’avérer parfois utiles », ajoute-t-il.
Il se plaît à modifier les couleurs de ses photographies.
« Pourquoi forcément présenter une création avec ses couleurs d’origine ? », s’étonne-t-il.
C’est ainsi que des végétaux, sous son regard et par son travail, peuvent se teinter en bleu, en orange, en rouge… ou qu’un voilier en pleine mer peut se transformer en bleu, en rouge, en jaune.
Certaines de ces photographies se retrouvent aujourd’hui chez des amateurs d’art en France, en Italie, en Russie, au Canada et aux États-Unis (New-York, Los Angeles, San Francisco, Miami, Beverly Hills).
Ses centres d’intérêts s’étendent du domaine aérien, aux voiliers, en passant par l’architecture ou les avions.
Pour lui, Yann Arthus Bertrand est un excentrique qui a trouvé une façon originale de faire de la photo.
Cependant, depuis que Christian Lange a découvert la photo aérienne, il reconnaît que « c’est la troisième dimension ».
Une de ses aspirations ?
Prendre des photos pour une organisation humanitaire.
RÉTROPSPECTIVE (regard par-dessus l'épaule)
Regarder en arrière ne sert pas toujours à alimenter des regrets ou des fiertés, mais peut être une manière de faire un bilan rétrospectif.
Celui que Christian Lange pourrait jeter vers ses « années Saint-Barth », commencerait par une série novatrice à l'époque, consacrée aux célèbres Buckets, régate de prestige réunissant les plus beaux voiliers du monde. Proche de plusieurs propriétaires, l'artiste a eu accès aux plus beaux des plus beaux voiliers privés présents.
Cela a donné une magnifique série privilégiée, sorte de regard VIP intérieur sur un monde envié et méconnu, dont la série s'est rapidement et entièrement
vendue.
Une autre étape marquante fut la découverte de New-York, au travers d'une série désormais fameuse et baptisée OrangYork.
Des prises de vues de lieux emblématiques de Big Apple, avec un regard assez surréaliste, proche de l'univers de Magritte.
Des couleurs vives, de feu, pour un regard enflammé sur une découverte passionnée de la grosse pomme...
Cash Money Millionnaire sera une sorte de regard bling bling sur une frange de la société qui aime à se regarder.
Une série un peu Pop Art et clinquante...
la femme descendant d'un jet privé, son petit chien sous le bras en est un cliché « criant » et exemplaire.
Enfin, Paréidolies marque encore un tournant des « années Saint-Barth ».
C'est comme si l'artiste avait pris ciseaux et couteau, ressorti des magazines de société depuis les années soixante… en avait tiré des images et portraits fétiches, pour les retravailler en mode collage.
Cela donne des œuvres carrées, regards critique sur notre monde, jusque dans des détails qu'il faut presque trouver à loupe !
C'est d'ailleurs là tout l'intérêt de cette récente série, qui n'a pas fini d'étonner.
Même Martin Luther King y semble composé de poudres de toutes les couleurs, jetées aux vents… mais aussi de petits éclats du regard de l'auteur, parsemés dans les fonds sans fin d'une création composite qui n'en est qu'un exemple…
Et comme une période ne se termine vraiment que marquée par un événement de clôture…
Le livre de cette période de onze années passées à Saint Barthélemy se fermera sur la parution prochaine d'un ouvrage, d'un Art Book reprenant une centaine des œuvres marquantes de cette période.
On y retrouvera des exemples de chaque série artistique ici décrites, mais un regard particulier y sera consacré aux Paréidolies.
PERSPECTIVES
À certains moments, la vie rejoint l'œuvre… des lignes se croisent, des morceaux d'existence, des réalités concrètes, des envies nouvelles, la santé aussi… et elles srejoignent parfois finalement, pour constituer une nouvelle perspective, un regard neuf sur l'avenir, un tournant de vie.
Pour Christian Lange, après les années enrichissantes à Saint-Barthélemy, il est temps de penser au retour en métropole.
D'abord pour pouvoir déployer plus largement ses ailes artistiques, mais également à cause de problèmes de santé.
Rien de vital, mais une nécessité de soins plus complexes que ce qu'on peut trouver dans les îles.
Il est important d'être en pleine santé pour pouvoir continuer d'évoluer, de voyager, de poursuivre sa quête !
Artistiquement, l'Hexagone permet d'autres envols, par sa réputation, son rayonnement, son ouverture au monde…
C'est aussi la meilleure des bases pour de nouvelles aventures, comme cette galerie New-Yorkaise qui s'intéresse de près au travail de l'artiste et désire l'exposer.
D'autres projets américains l'attendent aussi au-delà de ce départ planifié en 2016.
Mais le bilan des années Saint-Barthélemy est aussi fait de voyages, de découvertes et d'explorations.
New-York et la désormais fameuse série OrangYork, marquée par des tons oranges de feu… Mais aussi des shooting.
Au cœur de Big Apple ce fut pour des artistes et un DJ, tandis qu'à Los Angeles des prises ont été réalisées pour un Hôtel prestigieux… Miami, Key West, San Francisco, Las Vegas ou encore Vancouver…
Furent autant d'étapes humaines et artistiques franchies avec bonheur.
SOURCES D'INSPIRATION
Curieusement, les sources d'inspiration de Christian Lange ne se retrouvent pas dans la photographie, mais dans la peinture et la sculpture.
Ce sont des surréalistes belges tels que René Magritte, Paul Devaux et Jean-Michel Folon qui le séduisent et aiguisent son imaginaire. Ou encore Salvador Dalí et Joan Miró.
Et bien sûr, parce que lui aussi use et abuse de la déformation, le sculpteur César Baldaccini.
« J'apprécie ces artistes, explique le photographe, pour les formes issues de l'imaginaire, pour la déformation des éléments illustrés mais surtout, en fait, pour leur usage des couleurs ».
Ces couleurs qui façonnent, à leur manière, la vie des artistes.
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