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Centre d’art contemporain de la Fédération Wallonie-Bruxelles 11, av. Paul Pastur (GPS : Place des Essarts)
B-6032 Charleroi (Mont-sur-Marchienne) T +32 (0)71 43.58.10 F +32 (0)71 36.46.45
mpc.info@museephoto.be
Le musée est ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 18h. Fermé à 16h les 24 et 31 décembre 2020.
Fermé les 25 décembre 2020 et 1er janvier 2021.
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YVES AUQUIER L’INSTANT QUI FUIT

Œuvre

L’exposition L’instant qui fuit retrace le parcours d’Yves Auquier.
Photographe de l’intime, il s’intéresse au vivant, au temps qui passe, au familier et à l’instant fugitif, résumant lui-même sa transversalité par la notion de « réalisme intimiste ».
Il travaille tout au long de sa carrière en noir et blanc et de façon sérielle, classant minutieusement ses négatifs dans des classeurs thématiques et compilant à partir de ceux-ci de nouveaux recueils.
Il publie principalement ses séries sous forme de portfolios qu’il tire lui-même en argentique.
Dans Pays Noir, son premier livre, publié en 1970, Auquier dresse le portrait du pays de Charleroi. Il y voit grandeur et beauté quand d’autres, y compris les habitants du « Pays Noir », y voient noirceur et ruine.
Il désire transmettre sa vision, partager par l’image, et y parvient grâce à la subtile simplicité et sensibilité de son geste.

FLEUR, 1988 © YVES AUQUIER


Un livre publié par le Musée de la Photographie accompagne l’exposition.
Textes: Xavier Canonne, Charlotte Doyen et Michel Van Turnhout.
Format 17/24 cm. 112 pages.
Couverture toilée. Imprimé en juillet 2020.

La série les mineurs, publiée sous forme de recueil en 1975, met l’Homme au centre des photographies.
La solitude, la camaraderie, la mine, l’obscurité et l’âpreté du labeur sont autant de sujets présents dans ces photographies.
Yves Auquier capte des images spontanées, d’autres plus posées.
Quelques années plus tard, en 1984, Yves Auquier part à la rencontre des Siciliens installés en Belgique.
Dans sa série intitulée Sicilicum, il prend le temps de découvrir les habitudes de cette population immigrée.
Dans son portfolio Bruxelles, publié vers 1970, Auquier nous immerge dans un univers urbain : la saturation des lumières sur les routes, la vitesse, la foule, le mouvement omniprésent.
Les images se succèdent et invitent à voyager à travers la ville assis sur le siège avant d’une voiture perdue dans le trafic ou accroché à la barre verticale d’un tram.
Son recueil de trente photographies en noir et blanc, la vie de famille, publié en 1970, s’intéresse à la cellule familiale.
Les instants de vie s’écoulent sous l’objectif du photographe qui prend comme modèle sa propre famille.
Les temps morts, ces interstices de vie quotidienne, ont la part belle dans la série.
Siestes, repos méditatifs, lectures, jeux d’enfants, sont autant d’instants volés à l’appétit du temps.
Le sujet des nageurs s’esquisse dans les films de la vie de famille.
Photographiquement parlant, il utilise des cadrages rapprochés de ses sujets, ne laissant voir que les corps et l’eau, sans tenir compte du décor extérieur.
L’élément liquide devient un sujet à part entière des photographies et envahit le champ de l’image : les ondulations de l’eau et les reflets modulent l’arrière-plan.
Après s’être attaché au genre humain, Yves Auquier s’intéresse au monde du vivant dans son ensemble, les plantes et les animaux devenant ses modèles.
Comme dans le reste de sa production, l’atmosphère a une place maitresse dans ses photographies.
Avec cette modestie qui le caractérise, Yves Auquier évoque son travail en ces termes : « J’ai simplement fait des choses que j’aimais faire » et c’est bien dans la simplicité que son œuvre déploie toute sa justesse

DE LA SÉRIE LES MINEURS, CA 1970 © YVES AUQUIER

Biographie

Yves Auquier est un photographe belge né en 1934 à Bruxelles.
Il passe son enfance au Pays Noir et part ensuite à Bruxelles où il débute sa carrière professionnelle.
Par son mariage avec Agnès Leplae, céramiste et fille du sculpteur belge Charles Leplae (1903-1961), il entre rapidement en contact avec le milieu de l’art belge.
Son intérêt pour la photographie croît progressivement et sa rencontre en 1959 avec le photographe belge Charles Leirens (1888-1963) confirme définitivement sa vocation.
Dès 1961, sa carrière débute et il réalise ses premières expositions personnelles.
En 1965, il fonde avec d’autres photographes belges le groupe « Photo Graphie ».
Les membres réguliers constituant le groupe sont Pierre Cordier, Julien Coulommier, Gilbert De Keyser, Roland Denaeyer, Hubert Grooteclaes.
Concrètement, ils organisent des expositions d’artistes belges et étrangers dans divers lieux culturels, éditent des recueils d’œuvres originales numérotées, organisent des conférences et participent à des colloques à l’international.
Leur action est majeure dans la reconnaissance de la photographie comme un art en Belgique.
En 1969, Yves Auquier devient professeur à l’École Supérieure des Arts « Le 75 » à Bruxelles.
Il est le premier chef de l’atelier de photographie de l’école et il y fonde, en 1971, le cours d’histoire de la photographie.
Durant cette même décennie, il est élu membre de la Commission d’achats d’œuvres d’art pour le ministère de la Culture, il est le premier photographe à exercer ce mandat.
Son goût pour le travail commun, pour les autres, le pousse une nouvelle fois vers la création d’un groupe voué à la photographie.
« Images » voit le jour en 1974, professeurs et étudiants du « 75 » s’associent à cette nouvelle initiative dédiée aux arts sériels.
Les membres en sont : Monique Adam, Yves Auquier, Jacky Lecouturier, Jean-Marc Vantournhoudt, Francis Van Uffel et Guy Wéry. Ils publient des livres et autres recueils et organisent de nombreuses expositions, notamment, Images des hommes qui sera accueillie à Venise en 1979. Yves Auquier poursuit sa carrière de professeur et son action dans l’univers photographique. À côté de conférences, d’écritures de livres et de commissariat d’exposition, il fonde encore en 1980 le Patrimoine photographique pour la gestion des collections photographiques de l’état.
Nombreux sont ses contemporains - collègues, étudiants, photographes, amis - qui disent à quel point son contact a été bénéfique et inspirant dans leur carrière artistique.

PETER MITCHELL
NOUVEAU DÉMENTI DE LA MISSION SPATIALE VIKING 4


Quel est le lien entre des images de villes anglaises et de leurs habitants – Leeds principalement, mais aussi Sheffield et Londres – et une mission spatiale Viking ?
L’humour britannique, peut-être ? Bien, mais encore ?
Né en 1943 à Eccles, Greater Manchester, Peter Mitchell débute comme dessinateur pour le ministère du Logement.
Il intègre le Hornsey College of Art de Londres quelques années plus tard et s’installe à Leeds en 1972, où il travaille comme graphiste et typographe.
En 1973, il trouve un emploi de chauffeur de camion dans une entreprise et sillonne régulièrement la ville de Leeds, qu’il décide de photographier.
Nouveau démenti sur la mission spatiale Viking 4 regroupe ces images prises entre 1974 et 1979 et dévoile une ville tentant de se maintenir à travers les changements économiques, et les constructions et destructions qu’ils occasionnent.
Peter Mitchell photographie les petits commerces, les devantures en friche, les manufactures à la dérive et les gens ordinaires d’une classe plutôt ouvrière.
Point d’ironie, ni de condescendance en ses images ; bien au contraire, photographiés de manière très formelle à l’aide d’un escabeau, les propriétaires ou les employés posent fièrement devant leur commerce et Mitchell les présente tels des héros d’un conte moderne. Chaque photographie est légendée d’un extrait de son journal de bord.
Ces notes, au ton léger voire bon enfant, teintées d’humour et d’autodérision, identifient chaque lieu et chaque personne.
Ces inconnus deviennent tout à coup plus familiers.
Nous apprenons ainsi que Keith et Sandra sont les tenanciers d’un pub chaleureux, que Leslie a un chien aux noms variés, ou encore que Sindey et James, tourneurs sur bois, vont bientôt devoir fermer leur boutique et n’ont pas trouvé repreneur, même pour une somme modique.
Autant d’informations qui frisent parfois l’anecdote mais qui en disent souvent beaucoup sur l’histoire de ces habitants, sur leur épaisseur humaine et sur les conséquences pour eux de la mutation de leur ville. Ces photographies de Leeds font évidemment un écho singulier aux paysages industriels de la ville de Charleroi : toutes deux ont subi une reconversion économique et une profonde mutation sociale et culturelle. Mais le lien avec Mars peut toujours sembler un peu flou. Peter Mitchell, en fait, s’inspire des théories conspirationnistes en vogue à l’époque et présente sa série comme le résultat d’une mission martienne à Leeds en réaction aux sondes Viking 1 et Viking 2, expédiées respectivement le 20 août et le 9 septembre 1974.
Les photographies de Mitchell sont attribuées à de petits bonhommes verts qui découvriraient une ville avec un sentiment comparable à celui de l’Homme (avec un grand « H ») découvrant la planète rouge.
Le lien avec cette exploration est renforcé par les grilles de coordonnées de la Nasa entourant les photographies, et par les images de Mars extraites de la mission spatiale qui viennent ponctuer la série.

EDNA, GEORGE ET PAT. SAMEDI 30 AVRIL 1977. MIDI. WATERLOO ROAD, LEEDS.
TROIS JOYEUX BOUCHERS DÉFIANT LES VANDALES ET LE TEMPS ORAGEUX.
© PETER MITCHELL / RRB PHOTOBOOKS

M. ET MME HUDSON. MERCREDI 14 AOÛT 1974. 11 HEURES. SEACROFT GREEN, LEEDS.
J’AIME BIEN LA MANIÈRE DONT L’ÉCHOPPE EST CALÉE CONTRE L’ÉCHELLE.



Lorsque la série Nouveau démenti sur la mission spatiale Viking 4 est présentée en 1979 pour la première fois à L’Impressions Gallery of Photography à York, deuxième galerie photo à avoir ouvert en Angleterre, sous le commissariat de Val Williams, elle marque de nombreux esprits par l’aspect novateur du style documentaire de Peter Mitchell.
Dans un contexte où la photographie couleur occupe très peu les cimaises – il s’agissait de la première exposition en couleur, dans une galerie photographique britannique, réalisée par un photographe britannique –, la série de Mitchell séduit et interpelle les observateurs. Parmi eux un certain Martin Parr, qui confiera ensuite l’influence de l’approche documentaire de Mitchell sur son propre travail.
À travers cette mise en scène novatrice, Peter Mitchell questionne la notion de photographie documentaire de l’époque en faisant du
« contre-documentaire » et en endossant le rôle d’un explorateur venant de Mars.
Mais ce questionnement s’élargit également à la notion de photographe observateur extérieur.
Peter Mitchell n’est pas un visiteur en transit, il a au contraire photographié Leeds « de l’intérieur » ; pourtant, il nous invite à voir cette série comme le travail effectué par un étranger débarqué de nulle part, et cette petite ville morose voire ordinaire se fait tout à coup intrigante, mystérieuse ; son architecture et ses habitants deviennent aussi étranges que les découvertes tirées d’univers lointains.
Nouveau démenti sur la mission spatiale Viking 4 est certes teinté d’humour britannique, mais est loin d’être un constat tout en grisaille ou une représentation cynique des villes anglaises et de leurs habitants.
Au contraire, Peter Mitchell, tant par l’emploi de couleurs douces et presque pastel – contrastant avec le ciel anglais plombé et gris – que par la tendresse et l’attenion de son regard, dresse, avec empathie et respect, le portrait sensible d’une ville mais aussi, au-delà, celui d’une époque.

MICHA ËL DANS WN

THE WATERCLOUDED OVER

Tout a commencé par une photographie d’une nature morte prise chez sa grand-mère...
Pendant plus de deux années, Michaël Dans a créé et aussi photographié des installations florales à partir de vases, de tissus ou de papier peints chinés ou empruntés çà et là avec une méthodologie et un souci du détail et de la mise en scène identiques à ceux d’un peintre de natures mortes.
Et c’est dans le secret de son laboratoire photo que la nature reprend ses droits ; tout reprenant alors vie… Naturelles ou pas, à peine écloses, en pleine floraison ou fanées, les fleurs sont sublimées.

« Allégories du kitsch ? Mauvais goût ? Pas si sûr. Il faut à Michaël Dans autant de tendresse que d’acuité pour accompagner ces vielles demoiselles vers leur ultime demeure, en tirer le portrait bien loin des catalogues de fleuristes ou de jardineries, et nous offrir par brassées ces images pareilles aux cartes postales au papier glacé que l’on envoyait autrefois, ornées de formules aux lettres dorées » écrit Xavier Canonne. Ce sont quelque quarante-cinq compositions qui fleuriront les murs du Musée.
Diplômé en peinture de l’Ecole Supérieure des Arts Saint-Luc Liège, Michaël Dans multiplie les expositions solos et collectives. De la même manière qu’il a mené une vie itinérante, habitant tour à tour à Liège, Amsterdam, Helsinki, Berlin, Anvers…, Michaël Dans s’exprime avec des techniques aussi différentes que l’installation, la performance, la sculpture, le dessin ou la photographie. Cette diversité se retrouve également dans les sujets abordés (mort, solitude, érotisme, enfance) et les formats utilisés : du dessin au mikado géant en passant par le lancé de dix-sept pierres précieuses dans un pré à l’occasion de Kunst & Zwalm.
Depuis ses débuts, cet éclectisme lui permet d’échapper à tout type de catégorisation et de surfer avec aisance à travers les codes de l’art contemporain. Ainsi, Michaël Dans inscrit-il chaque fois sa proposition artistique dans un rapport spécifique avec les contextes d’exposition (architectural, conceptuel, etc.) afin qu’elle génère une pertinence propre.
De manière subtile et ludique, il profite des différentes propositions de travail qui lui sont faites pour construire des interventions en perpétuel décalage et riches en détournements de situations. A la frontière des objets et des attitudes, il crée des œuvres porteuses de messages transmis à l’aide d’un humour cynique et critique sur un fond de mélancolie, d’introspection et d’érotisme.
Après ses études à la Rijksakademie d’Amsterdam, Michael Dans a notamment exposé au Centre National d’Art et du Paysage de Vassivière (France), au BPS22 à Charleroi, à l’Espace 251 Nord à Liège, à la Galerie du Sous-sol à Paris, à la Galerie Aliceday de Bruxelles, à la Galerie Zacheta de Varsovie, au Quartier 21 à Vienne, au Wiels à Bruxelles, à la Galerie de Virgile de Voldère à New York, au lieu Unique et aux Galeries Lafayette à Nantes, à la Galerie Nadja Vilenne de Liège...

Un livre publié aux Editions du Caïd accompagne l’exposition. Textes : Jean-Michel Botquin et Douglas Park.
Format 23/34 cm (à la française) 96 pages couleurs
Couverture cartonnée. Achevé d’imprimer en décembre 2019

GALERIE DU SOIR - SARAH JOVENEAU

Dans le cadre de leur partenariat, Le Soir et le Musée de la photographie ont lancé la Galerie du Soir. Parallèlement à chaque nouvelle grande exposition du Musée, la Galerie du Soir présente un jeune artiste à découvrir. Un pari sur l´avenir décliné en quatre volets : un accrochage réduit mais significatif au Musée, un portfolio dans la revue Photographie ouverte, une présentation du photographe dans les pages du Soir et une sélection de son travail sur le site www.lesoir.be.
Pour cette nouvelle édition de la Galerie du Soir, notre choix s´est porté sur Sarah Joveneau

«Très jeune, j’étais plutôt lancée dans la pratique de l’écriture » raconte Sarah Joveneau, auteur de la série Piel de Lucha.
« Gamine, j’écrivais beaucoup.
En rhéto, le prof de français nous a demandé de tenir une sorte de journal culturel.
Dans ce cadre, je suis venue au Musée de la Photographie et j’ai découvert le travail de Roger Job sur les Turkana.
Ça m’a bouleversée. J’avais déjà beaucoup voyagé avec mon papa, journaliste de terrain qui aime aller à la rencontre des gens mais la découverte du travail de Roger Job a été un vrai déclic.
J’étais super touchée par sa démarche au long cours.
J’ai donc rendu tout un texte à ce sujet à mon prof de français puis, au moment de décider vers quoi j’allais m’orienter, je suis allée aux portes ouvertes à Saint-Luc.
Ça m’a plu et je me suis lancée. »
A entendre Sarah Joveneau, tout coule plus ou moins de source dans son parcours.
Pourtant, son travail n’a rien d’évident ni de tranquille. Depuis plusieurs années maintenant, comme photographe, vidéaste (elle s’est aussi formée en cinéma après la photographie) et, peut-être plus fondamen- talement, comme être humain, elle parcourt le monde, va à la rencontre des gens les plus divers et tente de rendre compte des combats des uns, des choix de vie des autres…
« Bouger ? C’est un mode de vie depuis toujours, s’amuse-t-elle.
Déjà pendant mes études à Saint Luc, je me suis lancée dans un long reportage sur les routes avec des nomades qui vivent en camion
et se déplacent un peu partout. La plupart du temps, je voyage en stop car je n’ai pas beaucoup de sous. »
La discussion dont sont tirées ces déclarations est d’ailleurs réalisée un samedi matin tandis que la jeune photographe se rend en Occitanie pour une résidence d’écriture.
Lorsqu’elle nous contacte, par téléphone, elle vient de débarquer au bord d’une route et se prépare à repartir en levant le pouce. « Aujourd’hui, je n’ai pas forcément de chez moi, explique-t-elle.
Je suis souvent sur la route avec mon sac à dos. »
La route en question, elle la choisit en fonction de ses projets, de ses centres d’intérêt, des in- formations qu’elle découvre ça et là sur des mouvements qui attirent son attention.
Et parfois, le stop ne suffit pas pour rejoindre ces destinations. Notamment lorsqu’il s’agit d’aller au Chili. « Je m’y suis rendue dans le cadre d’un tournage auquel je participais mais je ne me voyais pas faire un aller-retour et rester seulement cinq jours sur place. Quand j’ai appris qu’il y avait, dans ce pays, une importante mobilisation féminine, je me suis arrangée avec la production pour reporter mon billet de retour.
J’ai quitté l’équipe à l’aéroport et j’ai commencé mon projet qui a duré un peu moins de deux mois sur place. »
Un projet qui va se passer bien différemment de ce que Sarah avait prévu. « Quelques jours avant mon départ pour le Chili, on a volé mon matériel numérique dans ma voiture.
Or j’avais prévu de faire un documentaire filmé sur cette lutte des femmes chiliennes, en utilisant l’appareil numérique. J’ai donc dû me rabattre sur un matériel argentique et, bien sûr, laisser tomber la vidéo pour la photo. »
Avec pour résultat une série d’images noir et blanc de format carré que la jeune femme n’avait encore jamais abordé.
Et un travail sur la lutte très singulière de ces femmes chiliennes.
« Je me renseigne toujours sur le pays dans lequel je vais.
Je cherche des endroits où je vais pouvoir être accueillie en tant que voyageuse : mouvements citoyens, squats… Je m’intéressais à ces mouvements de femmes depuis un moment mais quand j’ai vu tout ce que cela impliquait, je me suis rendue compte que notre vision du féminisme est très européo-centrée alors qu’il existe, ailleurs, des visions très différentes.
Au Chili, c’est avec le corps, le chant, la danse, que ces femmes manifestent. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de se libérer du pouvoir des hommes aujourd’hui. Pour ces femmes que j’ai suivies, c’est une manière de se libérer de la colonisation du corps qui les a privées d’une multitude de choses.
Avant l’arrivée des Européens, les femmes mais aussi les homosexuels et les travestis, considérés comme des êtres magiques, faisaient office de chaman et avaient un rôle essentiel dans la communauté.
L’arrivée des Européens et de la religion chrétienne a bouleversé tout cela, créant une vision binaire de la société et donnant tout le pouvoir aux hommes. » Suivant une vingtaine de ces femmes qui veulent à la fois se défaire du pouvoir des hommes et ramener de la magie dans la société, Sarah Joveneau a photographié ces corps, ces peaux, entrant dans un dialogue de co-création avec chacune d’entre elles. Afin de faire entendre leur voix bien au-delà des frontières de leur pays.
Jean-Marie WYNANTS

BOITE NOIRE

STÉPHANIE ROLAND DECEPTION ISLAND Durée : 14’
Format image : 2.35:1 (cinemascope)
Formats de diffusion :
- exports Apple Pro Res 422 HQ
- MPEG H.264
- DCP pour cinéma

L’expédition antarctique belge (1897-1899) a été un épisode audacieux de l’exploration du continent blanc. Après avoir approché de nouvelles terres et fait de nombreuses découvertes scientifiques, le bateau se retrouve coincé dans les glaces, pendant près de treize mois.
Durant cet hivernage forcé, le manque de lumière de la nuit polaire a causé des maladies, des dépressions et même des cas de démences, au sein de l’équipage.

Deception Island est une œuvre multidisciplinaire - entre performance, film et installation – qui explore la face invisible d’un mythe de l’exploration belge et dé eloppe la narration d’un non-voyage paradoxal.
Cet épisode, amputé de l’histoire officielle, est rejoué par des acteurs dans le site industriel du New Belgica, qui est le projet de construction d’un nouveau bateau, réplique à l’identique du Belgica (le bateau original de l’expédition s’est échoué dans les fonds marins). Il a été construit par des prisonniers et des demandeurs d’emploi en reconversion professionnelle.

À la fois source d’inspiration du projet, espace de performance et décor du film, ce squelette de bateau peut être considéré comme une métaphore de la reconstitution historique, toujours en évolution, fragmentée et incomplète.
En effet, même si le bateau semblait bloqué dans la glace, les données astronomiques indiquaient que la banquise continuait à dériver indéfiniment.
L’usage exclusif du travelling tout au long du film immerge le spectateur dans un univers flottant et hypnotique, où la désorientation physique fait écho à une perte de repère existentielle dans un univers post-industriel sans balises et mystérieux.